
Le plaidoyer de la SEEPH
À l'occasion de la 25e édition de la a Semaine européenne pour l’emploi des personnes handicapées (SEEPH), LADAPT vous propose de retrouver son plaidoyer sur le Handicap, la Jeunesse et la Ruralité.
Introduction générale
La crise Covid que nous traversons a impacté toutes les populations, quel que soit leur statut social, leur statut médical ou leur lieu de vie et pas seulement dans le domaine de l’emploi. Cette première grande crise sanitaire du XXIème siècle a touché cependant plus durement encore les plus fragiles. Les populations les plus précaires des pays du « Tiers monde », les personnes du « Quart monde » qui vivent en France et en Europe, les personnes fragilisées médicalement ou en situation de handicap du monde entier ont été plus durement touchées.
Partout l’on redécouvre les notions de solidarité et les appels à l’action publique, nationale et internationale, au-delà de l’intervention sur le marché de l’emploi, se multiplient.
Sortir d’une crise qualifiée d’« inédite » suppose une grande organisation collective, à toutes les échelles, et une coordination des actions engagées pour défendre l’emploi des travailleurs en situation de handicap.
À long terme, la redécouverte des mécanismes de solidarité nécessairement induits par les stratégies de sortie de crise enclenchera des retombées positives pour les personnes en situation de handicap. Mais, à court terme, le tableau des difficultés provoquées directement par la crise qui attendent les travailleurs en situation de handicap est sombre.
Il nous interpelle.
Sur le marché du travail, les travailleurs en situation de handicap seront les premiers à subir les conséquences économiques de la crise. En France, comme en Europe, la précarité qui a déjà commencé à se développer et se développera encore touchera en priorité les personnes en situation de handicap, notamment du fait de leur éviction du marché du travail.
Les jeunes seront les premiers concernés et c’est notre avenir qui sera directement engagé !
- En 2019, parmi la population européenne en diminution globale d’activité et en situation de handicap, 28.4 % risquent l’exclusion ou la pauvreté sociale, contre 18.4 % de la population européenne en diminution globale d’activité et sans handicap.
- En 2019, 68.0 % de la population européenne en diminution globale d’activité aurait risqué la pauvreté ou l’exclusion, sans aide sociale.
- En 2018, l’écart de chances d’accès à l’emploi entre les personnes handicapées et non handicapées est de 24 points de pourcentage.
- En 2018, ce sont 20.3 % des élèves en situation de handicap qui risquent le décrochage scolaire contre 9.8 % des élèves non handicapés.
- En 2019, 60 % de la population européenne en situation de handicap participent au marché du travail, contre 82 % pour la population sans handicap[1].
- En 2020, -9 % de contrats de travail et -23 % de CDI ont été signés par des personnes en situation de handicap par rapport à 2019. Par ailleurs, on enregistre -39 % de Périodes de mise en situation en milieu professionnel (PMSMP) et -11 % de maintien dans l’emploi.[2]
Handicap et Ruralité, la mobilisation de LADAPT pour favoriser l’emploi
Proposition 1 : Sensibiliser et accompagner les entreprises de toutes tailles, les institutions publiques, les établissements d’enseignement supérieur à l’accueil et au travail des personnes en situation de handicap
- LADAPT propose aux partenaires des solutions de sensibilisation ou s’associe à des manifestations d’entreprises pour apporter une meilleure connaissance du handicap (conférences, mises en situation, module e-learning, expositions, etc.)
- LADAPT Est propose un ensemble de dispositifs au service des salariés, demandeurs d’emploi, entreprises, collectivités permettant de favoriser l’insertion professionnelle. Cela se décline au travers des prestations d’appui spécifiques, des bilans de compétences, actions de sensibilisation, l’accompagnement de jeunes en situation de handicap éloignés de l’emploi
- LADAPT contribue à mieux faire connaître la diversité des métiers disponibles porteurs d’emplois
Proposition 2 : Adapter les moyens existants (emploi accompagné, apprentissage accompagné, formation accompagnée, ESAT Hors murs, etc.) pour en faire de véritables passerelles vers le travail en milieu ordinaire.
- LADAPT Var a créé un centre de formation des apprentis spécialisés (CFAS)
- LADAPT Ouest a modélisé le dispositif de l’apprentissage accompagné, qui sera porté au niveau européen
- LADAPT a mené le projet DESC 2 basé sur un objectif de sécurisation des parcours professionnels des jeunes en situation de handicap à travers l’emploi accompagné et la Semaine européenne pour l’emploi des personnes handicapées (SEEPH)
- LADAPT Normandie propose un dispositif de formation accompagnée
Proposition 3 : Permettre à la personne en situation de handicap d’être actrice de son parcours en proposant plusieurs types d’accompagnement vers le travail pour être au plus proche des souhaits de la personne concernée
- LADAPT Nouvelle Aquitaine et Hauts de France expérimentent le projet « EPOP » : « Pouvoir d’agir et participation des personnes en situation de handicap », qui vise à généraliser le recours aux pairs accompagnants, en milieu ordinaire ou protégé, pour renforcer l’autodétermination et le pouvoir d’agir des personnes en situation de handicap. Ce projet est applicable à l’insertion dans l’emploi
- LADAPT Centre Val de Loire porte le dispositif PéVA® : approche innovante centrée sur l’individu avec l’objectif de former les personnes avec un handicap lourd à obtenir une vie « autonome et indépendante
- LADAPT Normandie a mis en place “le portail” : service de proximité ouvert à tous, qui accompagne les personnes en situation de handicap dans la formulation et mise en œuvre de leurs projets de vie. Un professionnel dédié et transverse, le facilitateur de parcours, donne les moyens à la personne de construire son parcours
Proposition 4 : Favoriser l’insertion professionnelle des personnes en situation de handicap en prenant en compte leur environnement : habitat inclusif, mobilité, accessibilité,
- LADAPT dispose de 10 établissements sanitaires dans 7 régions et accompagne chaque année plus de 5000 personnes. Cet accompagnement est un préalable pour travailler ensuite sur l’insertion sociale et professionnelle
- LADAPT Hauts de France propose un projet d’habitat inclusif personnes âgées/personnes en situation de handicap, à Naves
- LADAPT Nouvelle Aquitaine fait évoluer son ESRP à Virazeil avec la création d’une équipe mobile de réadaptation professionnelle
- LADAPT Centre Val de Loire a réuni le foyer d’hébergement, l’ESAT et le SAVS pour créer une passerelle PéVA®
Proposition 5 : Accompagner le changement de posture des professionnels pour faire face à l’évolution de l’offre
- LADAPT a sensibilisé ses professionnels à l’empowerment
- LADAPT Normandie a sensibilisé ses professionnels à la “Valorisation des Rôles Sociaux” (VRS)
- LADAPT Ile de France a créé un partenariat avec l’école de pratique de service social de Cergy, en vue notamment de mobiliser des professionnels de LADAPT dans des formations et jurys délivrés par cette école
- LADAPT AURA a un partenariat avec ESDES Lyon Business School pour la mise en place d’un label sur la sensibilisation des futurs managers au handicap
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Pour aller plus loin: le handicap en milieu rural
La définition de la ruralité ouvre à un débat qui sort largement du cadre de ce plaidoyer. On peut se risquer à une définition rapide de la ruralité entendue alors comme l’ensemble des espaces à faible densité de population originellement marqués par l’activité agricole, mais sans exclusive d’activités économiques alternatives de plus en plus importantes.
Dans le cadre de la SEEPH, on retiendra principalement les enjeux liés à la présence d’ESAT en milieu rural.
Mais comme tout à chacun, la vie d’un travailleur d’ESAT ne se limite pas à la dimension professionnelle. Le travailleur d’ESAT travaille et vit en milieu rural. Pour maintenir sa force de travail, il se doit d’assurer des besoins primaires, dont la santé, besoin d’autant plus essentiel que les populations en situation de handicap sont fragilisées médicalement.
Si la France rurale tend vers la désertification médicale, alors il y a danger pour les travailleurs d’ESAT et au-delà pour les personnes en situation de handicap vivant en milieu rural.
Plusieurs universitaires ont été interrogés. On retiendra notamment les études de Meddy ESCURIET et d’Élise MARTIN qui ont remis en cause un certain nombre de vérités établies en même temps qu’elles formulaient des propositions de solutions. Les différences d’équipement entre la ville et la campagne tendent à s’estomper. Les villes gagnent en établissements, tandis que les campagnes gagnent en services d’aide à la personne. Pour autant, le désert médical reste une réalité. Cette situation est d’autant moins acceptable pour les personnes en situation de handicap. Quelle que soit la qualité des relations de solidarité qu’elles parviennent à construire dans un milieu rural habitué à s’auto-organiser, elles sont plus durement touchées que la moyenne par la difficulté d’accès aux soins.
1. La solution la plus efficace serait de développer l’offre de soins en offrant plus de postes en médecine générale à l’échelle nationale et en incitant économiquement les jeunes médecins à s’installer en milieu rural.
2. Il faut également maintenir le rôle des hôpitaux de proximité. Si leur modèle économique est contesté, leur rôle dans les zones rurales est essentiel.
3. Si les zones rurales sont encore relativement mieux équipées en foyers d’accueil médicalisé ou en foyers de vie, elles restent sous-équipées en services d’accompagnement en milieu ordinaire. Développons le maillage en SIAAD/SESSAD/SPASAD et en SAMSAH/SAVS. Chacun de ces services organise, dans son domaine et avec ses modalités propres, l’intervention d’équipes pluridisciplinaires de soutien sanitaire ou médico-social pour garantir le maintien de l’autonomie en milieu ordinaire.
4. Par ailleurs, il faut encourager la coopération entre acteurs du secteur médico-social qui est encore par trop segmenté.
5. Pour autant, les études montrent que les élus sont parfois encore peu sensibilisés alors même que ce sont les acteurs les plus pertinents pour développer les mobilités qui souvent font encore défaut pour les personnes en situation de handicap. Il faut donc améliorer le plaidoyer à l’égard des politiques locaux.
6. Il faut concentrer l’effort sur la mise en accessibilité des villes peu denses des départements ruraux.
7.Pérenniser le recrutement dans le bassin d’emplois local des ESAT permettra de conforter une culture handi-sensible locale.
8.Au-delà de la crise Covid, développer l’accès à l’emploi accompagné en milieu rural.
La jeunesse, l’avenir de la politique handicap et les enjeux de la crise Covid
Les politiques du handicap doivent bénéficier à toutes et tous, mais le monde qui se construit, issu des lois de 2002 ou 2005 doit d’abord profiter à la jeunesse. Il est donc légitime d’investir plus dans son avenir. Or, dans le contexte de la crise Covid, la jeunesse en situation de handicap apparaît au contraire comme la 1ère sacrifiée.
Les entreprises seront incitées à utiliser les politiques handicap comme variable d’ajustement de leur politique de ressources humaines. Le recrutement de collaborateurs en situation de handicap sera sacrifié plus encore que le maintien dans l’emploi et le recrutement des jeunes diplômés en situation de handicap sera plus encore sacrifié que le recrutement de profils expérimentés. Les jeunes serviront en quelque sorte de « variable d’ajustement dans la variable d’ajustement ».
De manière plus générale, au-delà de la problématique de la formation professionnelle et de l’accès à l’emploi, la thématique du handicap n’a pas été assez prise en compte dans l’accompagnement de la crise Covid. L’effort s’est concentré sur les personnes âgées et sur les personnes à risque. Ce souci légitime de priorisation compte tenu des contraintes imposées tant par la spécificité des publics que la rareté des ressources aurait dû intégrer le public handicapé, particulièrement la jeunesse dans le groupe bénéficiaire de l’accompagnement renforcé.
La pression associative a pu jouer positivement et compenser le retard public. Pour preuve, l’assouplissement du régime des attestations d’accompagnant.
9. La crise Covid appelle un renforcement des moyens d’accès aux soins à destination des jeunes en situation de handicap.
10. Il faut mobiliser en urgence des moyens au profit des missions handicap des établissements supérieurs.
11. Créer un pass sanitaire international « Handicap » pour accompagner les personnes en situation de handicap, notamment dans leurs déplacements estudiantins et professionnels. Ce pass ouvrirait droit dans la situation Covid à des quarantaines aménagées conciliant sécurité sanitaire et prise en compte des contraintes des personnes handicapées.
12. Pour encourager la vie sociale des personnes en situation de handicap, ne pas prendre en compte la présence d’un accompagnant par personne handicapée dans les calculs de jauge.
13. Au-delà des circonstances de la Crise Covid, maintenir l’effort en faveur de l’accès aux études.
14. Au-delà des circonstances de la crise Covid, maintenir l’effort en faveur de l’apprentissage
Le numérique, un levier pour l’émancipation de la jeunesse en situation de handicap
La crise Covid aurait été beaucoup plus difficile à surmonter et aurait pesé beaucoup plus lourdement sur la jeunesse en situation de handicap sans les moyens offerts par le numérique. Travailler ou étudier à distance est désormais possible. Même si des difficultés organisationnelles viennent parfois perturber la mise en œuvre du télétravail pour les jeunes avec un handicap, l’atout qu’il offre est considérable.
Dès lors, quels enjeux reconnaître et quelles préconisations énoncer ?
Il ne faut pas pour autant relativiser la thématique de la fracture numérique. Il faut même insister sur son lien avec le handicap, puisque les personnes en situation de handicap sont plus souvent précaires et parce que les personnes qui avancent en âge sont plus souvent en situation de handicap. Il faut donc employer la fracture comme un levier pour sensibiliser le grand public aux difficultés rencontrées par les personnes en situation de handicap dans la prise en mains du numérique.
Le même raisonnement est transposable à la thématique de l’ergonomie. Cette prise de conscience devrait faciliter l’action au service de la mise en accessibilité que ce soit dans les établissements supérieurs ou dans les entreprises.
15. La formation à l’accessibilité devrait être rendue obligatoire dans les formations en informatique et au web comme la formation à l’accessibilité du bâti devrait être obligatoire dans les écoles d’architecte.
16. Dans les entreprises comme dans les établissements supérieurs, les Directions de Service Informatique (DSI) devraient être en relation avec les Missions handicap et accomplir des missions conjointes. Il faut créer dans tous les établissements supérieurs et toutes les entreprises pourvues d’une mission handicap assujetties aux dispositions du décret du 25 juillet 2019 sur l’accessibilité numérique un poste à temps partiel dédié à cette relation.
17. Le droit doit contraindre les éditeurs de solutions professionnelles à les rendre accessibles sous peine d’engager leur responsabilité d’éditeur (sur le modèle américain).
18. Les fonds d’insertion professionnelle doivent proposer des financements pour favoriser l’accessibilité de manière plus active et systématique au-delà de l’action au cas par cas motivée par la sollicitation d’une entreprise pour aménager un poste de travail unique.
19. La fonction publique doit assurer la mise en accessibilité des logiciels libres du socle interministériel pour les postes de travail. De fait, le financement des développements accessibles sur des logiciels libres rendra accessibles un grand nombre de postes de travail, car le code modifié est réutilisable librement en toute légalité.
Retrouvez la version intégrale du plaidoyer
Source
[1] Pour cette statistique et toutes les statistiques de la liste supra, Source : SILC 2018, SILC 2019, ANED 2018-2019, Europe 2020 report
[2] Source CHEOPS, réseau des Cap emploi